La montée de l’insécurité transfrontalière. Rapport National Burkina Faso
[ English version ]
Responsables de la recherche
Rapport national
Raguidissida Emile ZIDA, enseignant à l’Université de Ouagadougou, Unité de formation et de recherche en Langues, arts et communication ; coordonnateur du Programme d’appui au renforcement des politiques et industries culturelles du Burkina Faso ; membre du Laboratoire GRESEC (Groupe de recherche sur les enjeux de la communication) de Grenoble, France
Enquête terrain
Jacob YARABATIOULA, sociologue et enseignant à l’Université de Ouagadougou, Unité de formation et de recherche en Langues, arts et communication ; membre du Laboratoire GRESEC (Groupe de recherche sur les enjeux de la communication) de Grenoble, France
RÉSUMÉ
Les zones d’enquête
Le recueil des perceptions des populations frontalières s’est principalement déroulé dans la province de l’Oudalan ainsi que dans celle du Séno pour le camp de réfugiés de Goudebou. Elles marquent l’extrême nord du pays et sont administrativement rattachées à l’une des 13 régions du Burkina, le Sahel. Avec Dori comme capitale, cette région compte plus de 1,1 million d’habitants (2012). Ces provinces sont marquées par la diversité de leurs communautés ethniques puisque Touaregs, Peulhs, Maures, Bela, Haoussa, Mossi et Gourmatché cohabitent. Cette mosaïque de cultures est encore enrichie par des Maliens, Nigériens, Mauritaniens ou Algériens qui vivent ou séjournent fréquemment dans cette région. Outre ces aspects socioculturels, les enjeux sécuritaires (proximité avec le Mali, gestion de la frontière, trafics) et économiques (manque d’activités économiques, impact de l’insécurité sur les activités de développement, enjeux agropastoraux, exploitations minières) ont également permis de cibler les zones d’enquêtes retenues. De façon générale, les populations se sont montrées satisfaites qu’une telle étude prenne en compte leurs perceptions.
État et citoyenneté, religion et identité
Réputé stable, État médiateur et acteur de la sécurité sous-régionale il y a peu, le Burkina Faso est aujourd’hui lui-même rattrapé par l’instabilité. La transition politique historique révèle les failles de l’ère Compaoré. Le pays doit aujourd’hui faire face à l’historicité des crises sociales et des tensions, dont l’origine est d’ordre structurel dans l’un des pays les plus pauvres au monde et où la société civile et la jeunesse sont mobilisées. L’enjeu est ici d’agir sur les facteurs incitatifs de l’insécurité qui rendent vulnérable le pays. D’autre part, l’engagement de l’État laïc dans la gestion de la cohabitation pacifique des religions a jusqu’ici porté ses fruits et il convient de poursuivre les efforts pour prévenir tout changement.
Relations intercommunautaires et transfrontaliarité
L’inégalité d’accès aux services sociaux de base fait de la zone d’enquête une région toujours isolée et en quête d’un modèle de développement. Les médias peuvent constituer un relais pertinent à cette fin. La frontière offre néanmoins des opportunités pour le commerce et la transhumance, mais celle-ci a pour conséquences deux types de trafics : un trafic banalisé, vital pour les populations, et un trafic caché, avec des effets néfastes pour la sécurité. Sur un autre registre, au-delà du sentiment de fierté d’être burkinabé, le concept de frontière est relativisé par les liens entre les populations des deux côtés de la frontière, formalisés hors du cadre de la citoyenneté, et par des appartenances en fonction des opportunités. Enfin, la situation sécuritaire de la région frontalière est précaire. Outre les trafics et la crise malienne, qui implique la présence controversée de réfugiés, les autres composantes de l’insécurité ressentie sont : la mauvaise gestion des ressources naturelles, y compris des sites d’orpaillage, les tensions relatives à l’activité pastorale, la délinquance, l’alimentation et la santé.
Radicalisation : indices et processus
Les enquêtés estiment que l’extrémisme violent est un phénomène extérieur et essentiellement motivé par des besoins matériels et non par des convictions religieuses. Aucun cas d’extrême violence n’a été relevé mais si la zone d’enquête devait être une aire d’action des groupes jihadistes, ils y trouveraient des conditions structurelles facilitant le recrutement de sympathisants. L’éducation et le développement économique constituent l’épine dorsale de la prévention contre la radicalisation et l’extrémisme violent, et doivent être complétés par des programmes de sensibilisation auprès des jeunes, en partenariat avec les médias, les écoles et les organisations de la société civile. Enfin, l’État doit tirer parti de la forte confiance en son armée des populations pour assurer leur sécurité en développant des cadres de concertation avec elles.
Rôle des femmes et des jeunes
Vulnérables, ignorées, éducatrices ou conseillères, les femmes voient leur rôle dans la prévention et la lutte contre l’insécurité sous-exploité. La mise en place de causeries spécifiques pourrait permettre de progresser. L’enjeu de la place et du rôle des jeunes pour prévenir l’insécurité et l’extrémisme violent est primordial au Burkina Faso. L’accent doit être mis sur le dialogue intergénérationnel pour prendre en compte les revendications et le besoin de reconnaissance des jeunes. Les leaders religieux et communautaires peuvent être un atout dans cette voie. L’État doit également renouer avec la confiance des jeunes via un plan de développement convaincant pour l’Oudalan, et la région du Sahel plus largement. Les effets du chômage et de la pauvreté sont exacerbés par le sentiment de marginalisation, et forment le terreau du recrutement des jeunes par les groupes criminels, et potentiellement jihadistes.
Thèmes de réflexion
Sur la base des perceptions recueillies auprès des enquêté(e)s et des observations réalisées sur le terrain, étayées par des analyses et des discussions avec différents acteurs pertinents, les thèmes de réflexion suivants se dégagent :
o faciliter le développement et le désenclavement de la région du sahel du Burkina Faso en collaboration avec les pays voisins;
o ouvrir des espaces de dialogue afin de faciliter la prévention et/ou la gestion de l’insécurité et de l’extrémisme violent;
o œuvrer de concert avec les médias dans les activités de développement et de prévention de l’insécurité.
SOMMAIRE
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
ÉTAT ET CITOYENNETÉ, RELIGION ET IDENTITÉ
1. De la stabilité à la transition politique historique
2. Un pays médiateur et engagé sur le plan sécuritaire
3. Représentativité et religions au Burkina Faso
RELATIONS INTERCOMMUNAUTAIRES ET TRANSFRONTALIARITÉ
1.Le Sahel burkinabé : cohabitation et tensions en région isolée
Vers quel développement ?
Les limites du concept de frontière
Les risques de conflit : transhumance et activité agropastorale
2. Les marques de l’insécurité ressentie
Survie, trafics ou l’insécurité multiforme
L’impact des conflits régionaux
RADICALISATION : INDICES ET PROCESSUS
1.Radicalisme et extrémisme violent : quelle perception pour quel rejet ?
2.Le Sahel burkinabé : une aire d’action potentielle pour les extrémistes ?
3.Le rôle de l’État dans la prévention
RÔLES DES FEMMES ET DES JEUNES
1.Le rôle d’éducation des femmes malgré leur vulnérabilité
2.Le rôle incertain des jeunes
QUE FAIRE ?
[ haut de page ]